Renaissance, un texte pour la soirée Viva Madiba

Perdu dans le noir envahissant d’un bois vert,
Un enfant seul pense et, intimement, veille.
Il n’a jamais craint, fier, un quelconque revers
Mais, parfois, il croit qu’il aura peur de l’éveil.

Moi ! lance-t-il, garnement tintinnabulant,
Je rêve à voix perchée haut que je suis ailleurs.
Me vois-tu, demi-homme, somnambule, lent ?
Me trouveras-tu au chant de mes yeux rieurs ?

Car je t’offrirai, présents dérobés aux cieux,
Les délices rassasiées d’un serment de joie
Blanche comme la parole des vieux messieurs.
Je suis sage, promis, quand la braise rougeoie.

Pourtant, au loin, ce n’est pas un bon feu qui brûle.
On entend bien les pleurs aphones de l’orage
Qui somnole avec l’hésitation d’une bulle
Bientôt dissoute dans un océan de rage.

Vibrant au temps venu de la bataille, ivre
Du désir de sang, un cri retenu au ventre,
Il attend, ne sachant plus qui demande à vivre :
Le garçon plein de courage ou le sage enfant qui rentre.

Mais, déjà, il a perdu. Sans un mot ni larme
Il sait. Le petit garçon égaré est mort.
Il sent l’âcre et l’ocre qui recouvrent ses armes.
Il suit, soumis, silencieux, le coucher de l’or.

Obscurément engoncé aux tréfonds de l’âme,
Crevant dangereusement l’huile mensongère
De l’apparence, un mal mot s’écrit et se clame :
Secret ! Que caches-tu, dis-moi, tandis que j’erre ?

Et je me tais tant les tourments de la terreur
Vrillent les volutes zézayantes du ciel
Avachi sur le charnier hideux des horreurs
Vénéneuses qui ré-empoisonnent mon fiel !

Où est passé l’enfant qui a sauvé le monde ?
A-t-il touché, à en mourir, la perfection ?
S’est-il fourvoyé sur le chemin de l’immonde ?
Non. C’est un garçon qui a le goût de l’action.

Quelque part sur la pente aride de la vie,
Le cercle s’est paré, métamorphose ardue,
De détours vifs, mélancoliques et ravis.
Il a grandi, vécu et s’est enfui, perdu.

Là où tout échoue, les illusions abandonnées, les tentatives infructueuses, les rires vains, les pleurs perdus, les corps dépossédés, les pensées emprisonnées, les désirs cachés, les tristesses enfouies, les envies lasses, les pertes déplorées, les fantasmes terrifiants et tout ce qui fait trébucher, tomber, choir, chuter, tout ce qui blesse, abîme, brise, fend, tout cela, oui, te montre qu’un autre possible existe et qu’il t’appartient.

Et surtout, là où tout s’envole, les rêves acharnés, les réussites répétées, les joies pleines, les tristesses bonnes, les chairs gorgées, les idées libres, les pulsions de vie, les amours justes, les richesses intimes, les mystères obstinés, et tout ce qui fait courir, sauter, danser, rire, tout ce qui enchante, séduit, chatouille, anime, tout cela, oui, te montre que cet autre possible existe et qu’il t’appartient intensément.

Alors, s’il te plaît,
Apporte avec toi :
Armes et larmes
Danses et dissidences
Et dépose-les sur les rives du monde,
Là où tu sais que guerre et paix ne riment jamais.
Et puis couche-toi comme un mort
Et dors !

Alors l’enfant perdu revient avec ses rêves et ses rires.

Le reconnais-tu ?
Oh oui, bien-sûr, puisque c’est toi !

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